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compagnie avec sa petite fille, sachant par expérience ce que la douceur des enfants a de communicatif. La petite, qui maintenant marchait seule, glissait des bras de sa mère pour courir vers son ami. Risler entendait ces petits pas pressés. Il sentait ce souffle léger derrière lui, et tout de suite il en avait l’impression rajeunissante et calmante. Elle lui mettait de si bon cœur ses petits bras potelés autour du cou, avec son rire naïf et sans cause et le baiser de sa jolie bouche qui n’avait jamais menti. Claire Fromont, debout devant la porte, souriait en les regardant.

– Risler, mon ami, lui disait-elle, il faut descendre un peu au jardin… vous travaillez trop. Vous tomberez malade.

– Non, non, madame… au contraire, c’est le travail qui me sauve… Ça m’empêche de penser…

Puis, après un long silence, elle reprenait :

– Allons, mon bon Risler, il faut tâcher d’oublier.

Risler secouait la tête.

– Oublier… Est-ce que c’est possible ?… Il y a des choses au-dessus des forces. On pardonne, mais on n’oublie pas.

Presque toujours l’enfant finissait par l’entraîner au jardin. Il fallait bon gré mal gré jouer au ballon ou au sable avec elle ; mais la gaucherie, le peu d’entrain de son partenaire frappaient vite la petite fille. Alors elle se tenait tranquille, se contentait de marcher gravement entre les rangs de buis, la main dans celle de son ami. Au bout d’un moment, Risler ne songeait plus qu’elle était là ; mais sans qu’il y prit garde, la