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donc !… Mais vous êtes la fable du quartier, mon cher.

– Tant mieux. Le déshonneur a été public, il faut que la réparation soit publique aussi.

Ce calme apparent, cette indifférence à toutes ses observations exaspérèrent M. Chèbe. Il changea subitement de manières, et prit pour parler à son gendre le ton sérieux et absolu avec lequel on parle aux enfants ou aux fous.

– Eh bien ! non, vous n’avez pas le droit de rien enlever d’ici. Je m’y oppose formellement, de toute ma force d’homme, de toute mon autorité de père. Croyez-vous donc que je vais vous laisser mettre mon enfant sur la paille… Ah ! mais non… Ah ! mais non. Assez de folies comme cela. Rien ne sortira plus de l’appartement.

Et M. Chèbe, ayant fermé la porte, se planta devant d’un geste héroïque. Ah ! dame, c’est qu’il y allait de son intérêt, à lui aussi. C’est qu’une fois son enfant sur la paille, comme il disait, lui-même risquait fort de ne plus coucher sur la plume. Il était superbe dans son attitude de père indigné ; mais il ne la garda pas longtemps. Deux mains, deux étaux, lui avaient saisi les poignets, et il se retrouva au milieu de la chambre, laissant la porte libre aux déménageurs.

– Chèbe, mon garçon, écoutez-moi bien, disait Risler penché vers lui… Je suis à bout… Depuis ce matin je fais des efforts inouïs pour me contenir ; mais il n’en faudrait pas beaucoup pour que ma colère éclatât, et malheur alors à celui sur qui elle tomberait. Je suis homme à tuer quelqu’un… Tenez ! allez-vous-en vite…