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conseils, des renseignements, une aide indispensable à ce garçon naïf, timide, un peu lourd, gêné par son accent et par son air étrangers. Au bout de quelque temps de voisinage et de services mutuels, les frères Risler faisaient partie des deux familles.

Aux jours de fête, leurs couverts étaient toujours mis dans l’un ou l’autre endroit, et c’était un grand contentement pour ces deux dépatriés de trouver en ces pauvres ménages, si modestes, si gênés qu’ils fussent, un coin de tendresse et de vie familiale. Les appointements du dessinateur, très habile dans son métier, lui permettaient de rendre service aux Delobelle au moment du terme, d’arriver chez les Chèbe en grand oncle, toujours chargé de surprises, de cadeaux, si bien que la petite, dès qu’elle l’apercevait, courait à ses poches, grimpait sur ses genoux.

Le dimanche, il emmenait tout le monde au théâtre ; et presque tous les soirs il allait avec M. Chèbe et Delobelle dans une brasserie de la rue Blondel où il les régalait de bière et de prachtels salés. La bière et le prachtel, c’était son vice. Pour lui il n’avait pas de plus grand bonheur que d’être assis devant une chope entre ses deux amis et de les écouter causer, en ne se mêlant que par un gros rire ou un hochement de tête à leur conversation, en général un long débordement de plaintes contre la société.

Une timidité d’enfant, des germanismes de langage toujours conservés dans cette vie de travail absorbant, le gênaient beaucoup pour exprimer ses idées. En outre,