Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/300

Cette page n’a pas encore été corrigée

parce qu’on savait qu’avec les Prochasson l’argent se trouvait en bonnes mains.

L’aspect de la fabrique était rassurant en effet. Les cheminées secouaient fièrement leurs panaches. Au bruit sourd du travail, on sentait les ateliers pleins et actifs. Les bâtiments étaient bien aménagés, les vitrages clairs ; tout avait un aspect d’entrain, de bonne humeur, de discipline, et derrière le grillage de la caisse, la femme d’un des frères, simplement mise, les cheveux lisses, un air d’autorité sur son jeune visage, était assise attentive et recueillie dans un long alignement de chiffres.

En lui-même le vieux Sigismond songeait amèrement aux différences qui existaient entre la maison Fromont, si opulente jadis, ne vivant plus que sur son ancienne réputation, et la prospérité toujours croissante de l’installation qu’il avait sous les yeux. Son regard fureteur allait aux moindres coins, cherchant le défaut, le point à critiquer ; et comme il ne trouvait rien, cela lui serrait le cœur, donnait à son sourire quelque chose de faux et de troublé.

Ce qui l’embarrassait surtout, c’était la façon dont il s’y prendrait pour réclamer l’argent de ses patrons, sans laisser voir la gêne de sa caisse. Le pauvre homme avait un air dégagé, insouciant, qui faisait vraiment de la peine… Les affaires allaient bien… très bien… Il passait dans le quartier par hasard, et il avait eu l’idée d’entrer un peu… C’est tout naturel, n’est-ce pas ? On aime à voir les vieux amis…

Mais, ces préambules, ces circuits de plus en plus