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très bien le tintement d’un sac d’écus mêlé à je ne sais quel grincement de chaînette. En même temps, il entendait une petite voix aiguë comme le sifflet lointain d’une locomotive, claire comme un chant de coq, lui crier du haut du toit : « L’échéance ! l’échéance ! »

– Ah ! bon Dieu… mon billet ! se dit le pauvre garçon se souvenant tout à coup que l’effet de son tailleur arrivait dans huit jours ; et, jusqu’au matin, il ne fit que se remuer, cherchant le sommeil dans tous les coins de son lit et n’y trouvant que la pensée de ce maudit billet à ordre. Le lendemain, le surlendemain, toutes ses nuits suivantes, il fut éveillé à la même heure et de la même façon ; toujours le bruit d’écus, le grincement de chaînette et la petite voix qui criait en ricanant : « L’échéance ! l’échéance ! » Le terrible, c’est que plus le jour de l’échéance approchait, plus le cri devenait aigu et féroce, plein de menaces de Saisie et d’assignation.

Infortuné poète ! ce n’était pas assez des fatigues de la journée, des courses à travers la ville pour se procurer de l’argent ; il fallait encore que cette cruelle petite voix vînt lui enlever le sommeil et le repos. À qui appartenait-elle donc, cette voix fantastique ? Quel esprit de malice pouvait s’amuser à le martyriser ainsi ? Il voulut en avoir le cœur net. Une nuit donc, au lieu de se coucher, il éteignit sa lumière, ouvrit sa fenêtre et attendit.

Je n’ai pas besoin de vous dire qu’en sa qualité de poète lyrique, mon ami habitait très haut, au niveau des toits. Pendant des heures, il ne vit rien que cette