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– N’ayez pas peur, monsieur Sigismond, je suis là, disait le justicier.

– Tu ne pars pas encore, n’est-ce pas mon petit Frantz ?

– Non, non… pas encore… J’ai une grosse affaire à terminer auparavant.

– Ah ! tant mieux.

La grosse affaire de Frantz, c’était son mariage avec Désirée Delobelle. Il n’en avait encore parlé à personne, pas même à elle ; mais mam’zelle Zizi devait se douter de quelque chose, car, de jour en jour, elle devenait plus gaie et plus jolie, comme si elle prévoyait que le moment allait bientôt venir où elle aurait besoin de toute sa joie et de toute sa beauté.

Ils étaient seuls dans l’atelier, un après-midi de dimanche. La maman Delobelle venait de sortir, toute fière de se montrer une fois au bras de son grand homme, et laissant l’ami Frantz près de sa fille pour lui tenir compagnie. Soigneusement vêtu, avec un air de fête répandu sur toute sa personne, Frantz avait ce jour-là une physionomie singulière, à la fois timide et résolue, attendrie et solennelle, et rien qu’à la façon dont la petite chaise basse vint se mettre tout près du grand fauteuil, le grand fauteuil comprit qu’on avait une confidence très grave à lui faire, et il se doutait bien un peu de ce que c’était. La conversation commença d’abord par des paroles indifférentes qui s’interrompaient à chaque instant de longs silences, de même qu’en route on s’arrête au bout de chaque étape pour reprendre haleine vers le but de voyage.