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cette fête du pauvre – qui éclaircit jusqu’aux joues des petits charbonniers, toute l’aurore de ce matin exceptionnel fut savourée par elle longuement et délicieusement.

La veille au soir, Frantz lui avait apporté une ombrelle, une petite ombrelle à manche d’ivoire ; avec cela, elle s’était arrangé une toilette très soignée mais très simple, comme il convient à une pauvre petite infirme qui veut passer sans être vue. Et ce n’est pas assez de dire que la pauvre petite infirme était charmante.

À neuf heures très précises, Frantz arriva avec un fiacre à la journée et monta pour prendre ses invités. Mam’zelle Zizi descendit coquettement toute seule, appuyée à la rampe, sans hésiter. Maman Delobelle venait derrière elle, en la surveillant ; et l’illustre comédien, son paletot sur le bras, s’élança en avant avec le jeune Risler pour ouvrir la portière. Oh ! la bonne course en voiture, le beau pays, la belle rivière, les beaux arbres… Ne lui demandez pas où c’était ; Désirée ne l’a jamais su. Seulement elle vous dira que le soleil était plus brillant dans cet endroit-là que partout ailleurs, les oiseaux plus gais, les bois plus profonds ; et elle ne mentira pas.

Toute petite, elle avait eu quelquefois de ces jours de grand air et de longues promenades champêtres. Mais plus tard le travail constant, la misère, la vie sédentaire si douce aux infirmes, l’avaient tenue comme clouée dans le vieux quartier de Paris qu’elle habitait