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rester comme autrefois sans cesse enfoncée dans son fauteuil avec un renoncement de jeune grand’mère, la petite boiteuse se levait à chaque instant, allait vers la croisée d’un élan comme s’il lui poussait des ailes, s’exerçait à se tenir debout, bien droite, demandant tout bas à sa mère :

– Est-ce que ça se voit, quand je ne marche pas ?

De sa jolie petite tête où elle s’était concentrée jusqu’alors dans l’arrangement de la coiffure, sa coquetterie se répandait sur toute sa personne, comme ses longs cheveux frisés et fins, quand elle les dénouait. C’est qu’elle était très, très coquette à présent ; et tout le monde s’en apercevait bien. Les oiseaux et mouches pour modes avaient eux-mêmes un petit air tout à fait particulier.

Oh ! oui, Désirée Delobelle était heureuse. Depuis quelques jours M. Frantz parlait d’aller tous ensemble à la campagne, et comme le père, toujours si bon, si généreux, voulait bien consentir à laisser prendre à ces dames un jour de congé, ils partirent tous les quatre un dimanche matin.

On ne peut pas se figurer le beau temps qu’il faisait ce jour-là. Quand Désirée ouvrit sa fenêtre dès six heures, que dans la brume matinale elle vit le soleil déjà chaud et lumineux, qu’elle songea aux arbres, aux champs, aux routes, à toute cette miraculeuse nature qu’elle n’avait pas vue depuis si longtemps et qu’elle allait voir au bras de Frantz, les larmes lui en vinrent aux yeux. Les cloches qui sonnaient, les bruits de Paris montant déjà du pavé des rues, l’endimanchement –