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levèrent de table et s’en allèrent à la brasserie de la rue Blondel, Frantz resta avec les deux femmes.

En le voyant là, tout près d’elle, affectueux et doux, Désirée eut tout à coup un élan de reconnaissance pour Sidonie. Elle se dit qu’après tout c’était à sa générosité qu’elle devait ce semblant de bonheur, et cette pensée lui donna du cœur pour défendre son ancienne amie.

– Voyez-vous, monsieur Frantz, il ne faut pas croire tout ce que mon père vous a raconté de votre belle-sœur. Il exagère toujours un peu, ce cher papa. Moi, je sais bien que Sidonie est incapable de tout le mal dont on l’accuse. Je suis sûre que son cœur est resté le même et qu’elle aime toujours ses amis, quoi qu’elle les néglige un peu… C’est la vie, cela. On est séparé sans le vouloir. N’est-ce pas vrai, monsieur Frantz ?

Oh ! comme il la trouvait jolie, pendant quelle lui parlait ainsi. Jamais il n’avait autant remarqué ces traits fins, ce teint aristocratique ; et, quand il partit ce soir-là, attendri par l’empressement qu’elle avait mis à défendre Sidonie, par toutes les charmantes raisons féminines qu’elle donnait au silence, à l’abandon de son amie, Frantz Risler pensait, avec un sentiment de plaisir égoïste et naïf, que cette enfant l’avait aimé, qu’elle l’aimait peut-être encore et lui gardait au fond de son cœur cette place chaude, abritée, où l’on revient comme au refuge quand la vie nous a blessé.

Toute la nuit, dans son ancienne chambre, bercé par le mouvement du voyage, par ce bruit de vagues et