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Il rentrera sûrement pour dîner !

L’excellente femme disait cela avec une certaine fierté. En effet, depuis la déconvenue de sa direction, l’illustre Delobelle ne mangeait plus dehors, même les soirs où il allait toucher la paye. Le malheureux directeur avait pris tant de repas à crédit à son restaurant, qu’il n’osait plus y retourner. En revanche, il ne manquait jamais, le samedi, de ramener avec lui deux ou trois convives affamés et inattendus, des « vieux camarades », des « déveinards », C’est ainsi que ce soir-là il fit son entrée, escorté d’un financier du théâtre de Metz et d’un comique du théâtre d’Angers, tous deux en disponibilité.

Le comique, rasé, ridé, ratatiné au feu de la rampe, avait l’air d’un vieux gamin ; le financier portait des espadrilles sans le moindre linge apparent. Delobelle les annonça pompeusement dès la porte, mais la vue de Frantz Risler interrompit la présentation.

– Frantz !… mon Frantz !…, cria le vieux cabotin d’une voix mélodramatique en battant l’air de ses mains convulsives ; puis, après une longue et emphatique accolade, il présenta ses convives les uns aux autres.

– Monsieur Robricart, du théâtre de Metz.

– Monsieur Chandezon, du théâtre d’Angers.

– Frantz Risler, ingénieur.

Dans la bouche de Delobelle, ce mot d’ingénieur prenait des proportions !

Désirée eut une jolie moue, en voyant les amis de son père. C’eût été si beau d’être en famille un jour comme