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avec son frère. Il reconnut la carte géographique piquée au mur par quatre épingles, la fenêtre du palier et la petite plaque des dames Delobelle : Oiseaux et mouches pour modes. La porte de ces dames était entr’ouverte ; il n’eut qu’à la pousser pour entrer.

Certainement il n’y avait pas pour lui dans tout Paris un abri plus sûr, un coin mieux fait pour accueillir et calmer son âme troublée que cet intérieur laborieux et immuable. Dans l’agitation actuelle de sa vie déroutée, c’était comme le port aux eaux tranquilles et profondes, le quai plein de soleil et de paix, où les femmes travaillent en attendant les maris et les pères, pendant qu’au dehors le vent gronde, la mer bouillonne. C’était surtout, sans qu’il s’en rendît bien compte, un enlacement de sûres affections, et ce doux miracle de tendresse qui nous rend précieux, même quand nous n’aimons pas, l’amour que l’on ressent pour nous.

Ce cher petit glaçon de Désirée l’aimait tant. Elle avait des yeux si brillants, en lui parlant de choses indifférentes. Comme les objets trempés de phosphore resplendissent tous également, les moindres mots qu’elle disait illuminaient sa jolie figure épanouie. Quel bon repos c’était pour lui après les brutalités de Sigismond.

Ils causaient tous deux avec animation, pendant que la maman Delobelle mettait le couvert :

– Vous dînerez avec nous, n’est-ce pas, monsieur Frantz ?… Le père est allé reporter l’ouvrage ; mais il rentrera sûrement pour dîner.