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prit le Cercle en grippe et tous ses membres en mépris. Un riche commerçant qui en faisait partie étant venu un jour à la fabrique, il lui dit avec une naïveté brutale :

– Le diable l’emporte votre Cercle du Château-d’Eau… En deux mois monsieur Georges a laissé plus de trente mille francs chez vous.

L’autre se mit à, rire :

– Mais vous vous trompez, père Planus… voilà au moins trois mois que nous n’avons pas vu votre patron.

Le caissier n’insista pas ; mais dans son esprit une terrible pensée s’installa, qu’il retourna toute la journée.

Puisque Georges n’allait pas au Cercle, où passait-il ses soirées ? où dépensait-il tant d’argent ?

Évidemment il y avait quelque histoire de femme là-dessous.

Des que cette idée lui fut venue, Sigismond Planus commença à trembler sérieusement pour sa caisse. Ce vieil ours du canton de Berne, resté garçon toute sa vie avait des femmes en général et des Parisiennes en particulier une terreur épouvantable, Avant tout, pour mettre sa conscience en repos, il crut devoir prévenir Risler. Il le lit d’abord d’une façon un peu vague :

– Monsieur Chorche dépense beaucoup d’argent, lui dit-il un jour.

Risler ne s’en émut pas :

– Que veux-tu que j’y fasse, mon vieux Sigismond ?… C’est son droit.

Et le brave garçon pensait comme il le disait. À ses yeux, Fromont jeune était le maître absolu de la