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entre les feuilles serrées. Les terrasses, blanches de rayons, où les terre-neuve allaient et venaient dans leurs toisons frisées, guettant des papillons de nuit, les eaux profondes étalées et unies, tout resplendissait d’un éclat muet, tranquille, comme reflété dans un miroir d’argent. Ça et là, au bord des pelouses, des vers luisants étincelaient.

Sous l’ombre du paulownia, perdus dans ces profondeurs de nuit que fait autour d’elle la lune claire, les deux promeneurs restèrent un moment assis, silencieux. Tout à coup ils apparurent en pleine lumière, et leur groupe enlacé, languissant, traversa lentement le perron et se perdit dans la charmille.

« J’en étais sûr », se dit le vieux Gardinois, qui les reconnut. Et d’ailleurs quel besoin avait-il de les reconnaître ? Est-ce que le calme des chiens, l’aspect de la maison endormie ne lui apprenaient pas mieux que tout quelle sorte de crime insolent, impuni, ignoré, hantait la nuit les allées de son parc ? C’est égal, le vieux paysan fut enchanté de sa découverte. Sans lumière il revint se coucher en riant tout seul, et dans le petit cabinet plein d’armes de chasse d’où il les avait guettés, croyant d’abord avoir affaire à des voleurs, le rayon de lune n’éclaira plus bientôt que les fusils rangés au mur, et des boîtes de cartouches de tous les numéros.

Ils avaient retrouvé leur amour au coin de la même avenue. Cette année qui venait de s’écouler, pleine d’hésitations, de combats vagues, de résistances, semblait