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de leur enfant ; s’il lui arrive quelque chose, il n’aura rien à nous reprocher. Une fille qui n’a plus l’exemple de ses parents sous les yeux, vous comprenez…

– Certainement… certainement… disait Delobelle ; surtout que Sidonie est devenue très coquette… Enfin, que voulez-vous ? Il n’aura que ce qu’il mérite. Est-ce qu’un homme de son âge aurait dû… Chut !… le voilà.

Risler venait d’entrer, et s’approchait en distribuant des poignées de mains tout le long des bancs. Entre les trois amis, il y eut un moment de gêne, Risler s’excusa de son mieux. Il s’était attardé chez lui, Sidonie avait du monde, Delobelle poussa le pied de M. Chèbe sous la table, et tout en parlant, le pauvre homme, un peu embarrassé des deux verres vides qui l’attendaient, ne savait devant lequel il devait s’asseoir. Delobelle fut généreux :

– Vous avez à causer, messieurs, ne vous gênez pas.

Et il murmura en faisant signe de l’œil à Risler :

– J’ai les papiers.

– Les papiers ?… fit l’autre ahuri.

– Les devis…, souffla le comédien. Là-dessus, avec une grande affectation de discrétion, il se rencoigna et reprit la lecture de ses paperasses, la tête dans ses poings, ses poings dans les oreilles.

À côté de lui, les deux autres causaient, d’abord à voix basse, puis plus haut, car le timbre aigu et criard de M. Chèbe ne pouvait pas se modérer longtemps… Il n’avait pas l’âge de s’enterrer, que diable !… Il serait