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d’arrosage installé à côté d’un berceau de vigne-vierge jouait le rôle de pièce d’eau. Joignez à tous ces avantages qu’une baie seulement séparait ce paradis d’un autre « chalet avec jardin » tout à fait du même genre, où demeuraient le caissier Sigismond Planus et sa sœur. Pour madame Chèbe, c’était un voisinage précieux. Quand la bonne femme s’ennuyait, elle emportait des provisions de tricot et de raccommodages sous le berceau de la vieille fille qu’elle éblouissait du récit de ses splendeurs passées. Malheureusement son mari n’avait pas les mêmes distractions.

Tout allait bien encore les premiers temps. On était au cœur de l’été. M. Chèbe, continuellement en manches de chemise, faisait son installation. Le moindre clou à planter dans la maison était l’objet de réflexions oiseuses, de discussions sans fin. Pour le jardin, la même chose Il avait d’abord décidé d’en faire un jardin anglais, pelouses toujours vertes, allées tournantes ombragées de massifs. Le diable, est que les massifs mettaient bien du temps à pousser.

– Ma foi ! j’ai envie d’en faire un verger, disait l’impatient petit homme.

Et le voilà ne rêvant plus que bordures de légumes, haricots en ligne, pêchers en espalier. Il piochait des matinées entières, fronçant le sourcil d’un air préoccupé, s’essuyant le front ostensiblement devant sa femme pour se faire dire :

– Mais repose-toi donc… tu vas te tuer.

En fin de compte, le jardin resta mixte, fleurs et fruits, parc et potager ; et chaque fois qu’il descendait