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LAPINS DE GARENNE ET LAPINS DE CHOUX


Le décret de Bordeaux sur l’organisation des gardes nationales mit fin à cette situation intolérable. Au souffle puissant des triumvirs, prrrt ! les plumes de coqs s’envolèrent, et tous les francs-tireurs de Tarascon — chacals, espingoliers et autres — vinrent se fondre en un bataillon d’honnêtes miliciens, sous les ordres du brave général Bravida, ancien capitaine d’habillement. Ici, nouvelles complications. Le décret de Bordeaux faisait, comme on sait, deux catégories dans la garde nationale : les gardes nationaux de marche et les gardes nationaux sédentaires ; « lapins de garenne et lapins de choux », disait assez drôlement le receveur Pégoulade. Au début de la formation, les gardes nationaux de garenne avaient naturellement le beau rôle. Tous les matins, le brave général Bravida les menait sur l’Esplanade faire l’exercice à feu, l’école de tirailleurs. « Couchez-vous ! levez-vous ! » et ce qui s’ensuit. Ces petites guerres attiraient toujours