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LES ORPHÉONS


Je vous dirai donc que, jusqu’à Sedan, nos braves Tarasconais s’étaient tenus chez eux bien tranquilles. Pour ces fiers enfants des Alpilles, ce n’était pas la patrie qui mourait là-haut : c’étaient les soldats de l’empereur, c’était l’Empire. Mais une fois le 4 septembre, la République, Attila campé sous Paris, alors oui ! Tarascon se réveilla et l’on vit ce que c’est qu’une guerre nationale… Cela commença naturellement par une manifestation d’orphéonistes. Vous savez quelle rage de musique ils ont dans le Midi. À Tarascon surtout, c’est du délire. Dans les rues, quand vous passez, toutes les fenêtres chantent, tous les balcons vous secouent des romances sur la tête.

N’importe la boutique où vous entrez, il y a toujours au comptoir une guitare qui soupire, et les garçons de pharmacie eux-mêmes vous servent en fredonnant : Le Rossignol — et le Luth espagnol — Tralala — lalalala. En dehors de ces concerts privés, les Tarasconais ont encore la fanfare de la ville, la fanfare du