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rant, soupirant, ouvrant et fermant des armoires ; et à présent voilà qu’il entre dans la chambre de son fils, gravement, habillé comme pour un voyage, avec de hautes guêtres, le large chapeau et le bâton de montagne solide et ferré au bout. Il s’avance droit au lit : « Allons, haut !… lève-toi ! »

Le garçon, un peu confus, veut prendre ses effets de zouave.

« Non, pas ça… » dit le père sévèrement.

Et la mère, toute craintive : « Mais, mon ami, il n’en a pas d’autres.

— Donne-lui les miens… Moi, je n’en ai plus besoin. »

Pendant que l’enfant s’habille, Lory plie soigneusement l’uniforme, la petite veste, les grandes braies rouges, et, le paquet fait, il se passe autour du cou l’étui de fer-blanc où tient la feuille de route…

« Maintenant descendons », dit-il ensuite, et tous trois descendent à la forge sans se parler… Le soufflet ronfle ; tout le monde est au travail. En revoyant ce hangar grand ouvert, auquel il pensait tant là-bas, le zouave se rappelle son enfance, et comme il a joué là longtemps entre la chaleur de la route et les étincelles de la forge toutes brillantes dans le poussier noir. Il lui prend un accès de tendresse, un grand désir d’avoir le pardon de son