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moins une fois sa statue au milieu d’une place, ou tout au haut de quelque frise, parmi des Victoires de marbre blanc. Cette folie des statues, des apothéoses, des monuments commémoratifs est poussée à un tel point chez ces bonnes gens, qu’ils ont, au coin des rues, des socles vides tout dressés, tout préparés pour les célébrités inconnues du lendemain. En ce moment, toutes les places doivent être prises. La guerre de 1870 leur a fourni tant de héros, tant d’épisodes glorieux !

J’aime à me figurer, par exemple, l’illustre général Von der Thann déshabillé à l’antique au milieu d’un square verdoyant, avec un beau piédestal orné de bas-reliefs représentant d’un côté les Guerriers bavarois incendiant le village de Bazeilles, de l’autre les Guerriers bavarois assassinant des blessés français à l’ambulance de Wœrth. Quel splendide monument cela doit faire !

Non contents d’avoir leurs grands hommes éparpillés ainsi par la ville, les Bavarois les ont réunis dans un temple situé aux portes de Munich, et qu’ils appellent la Ruhmeshalle (la Salle de la Gloire). Sous un vaste portique de colonnes de marbre, qui s’avancent en retour en formant les trois côtés d’un carré, sont rangés sur des consoles les bustes des électeurs, des rois, des généraux, des juriscon-