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voyant l’écriteau. D’abord la maison restait sourde. Au second coup, un bruit de sabots s’approchait lentement du fond du jardin, et le vieux entre-bâillait sa porte d’un air furieux :

« Qu’est-ce que vous voulez ?

— La maison est à vendre ?

— Oui, répondait le bonhomme avec effort, oui… elle est à vendre, mais je vous préviens qu’on en demande très cher… » Et sa main, toute prête à la refermer, barrait la porte. Ses yeux vous mettaient dehors, tant ils montraient de colère, et il restait là, gardant comme un dragon ses carrés de légumes et sa petite cour sablée. Alors les gens passaient leur chemin, se demandant à quel maniaque ils avaient affaire et quelle était cette folie de mettre sa maison en vente avec un tel désir de la conserver.

Ce mystère me fut expliqué. Un jour, en passant devant la petite maison, j’entendis des voix animées, le bruit d’une discussion.

« Il faut vendre, papa, il faut vendre… Vous l’avez promis… »

Et la voix du vieux, toute tremblante :

« Mais, mes enfants, je ne demande pas mieux que de vendre… voyons ! Puisque j’ai mis l’écriteau. »

J’appris ainsi que c’étaient ses fils, ses brus, de petits boutiquiers parisiens, qui l’obligeaient