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ques n’ont plus rien qui le gêne. Il s’anime, presse son jeu, précipite l’action. Pensez donc ! si le feu allait s’éteindre là-bas… À mesure que la soirée s’avance, sa vision se rapproche et lui donne de l’entrain. Miracle ! l’Odéon se dégèle. Les vieux habitués de l’orchestre, réveillés de leur torpeur, trouvent que ce Marancourt est vraiment magnifique, surtout aux dernières scènes. Le fait est qu’au dénouement, à l’heure décisive où l’on poignarde les traîtres, où l’on marie les princesses, la physionomie de l’empereur vous a une béatitude, une sérénité singulières. L’estomac creusé par tant d’émotions, de tirades, il lui semble qu’il est chez lui, assis à sa petite table, et son regard va de Cinna à Maxime avec un bon sourire d’attendrissement, comme s’il voyait déjà les jolis fils blancs qui s’allongent au bout de la cuillère, quand la soupe au fromage est cuite à point, bien mijotée et servie chaude…

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