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tapis de Smyrne, buvant le café à la porte des marchands maures qui le félicitaient. Autour de lui la foule se pressait, curieuse. On disait : « Voilà Si-Sliman… l’Emberour vient de lui envoyer la croix. » Et les petites mauresques qui revenaient du bain, en mangeant des pâtisseries, coulaient sous leurs masques blancs de longs regards d’admiration vers cette belle croix d’argent neuf si fièrement portée. Ah ! l’on a parfois de bons moments dans la vie…

Le soir venu, Si-Sliman se préparait à rejoindre son goum et déjà il avait le pied dans l’étrier quand un chaouch de la préfecture vint à lui tout essoufflé :

« Te voilà, Si-Sliman, je te cherche partout… Viens vite, le gouverneur veut te parler ! »

Si-Sliman le suivit sans inquiétude. Pourtant, en traversant la grande cour mauresque du palais, il rencontra son chef de bureau arabe qui lui fit un mauvais sourire. Ce sourire d’un ennemi l’effraya, et c’est en tremblant qu’il entra dans le salon du gouverneur. Le maréchal le reçut à califourchon sur une chaise.

« Si-Sliman, lui dit-il avec sa brutalité ordinaire et cette fameuse voix de nez qui donnait le tremblement à tout son entourage, Si-Sliman, mon garçon, je suis désolé… il y a