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mangeoires vides, sans un palefrenier pour recevoir nos chevaux.

« Allons voir au café maure », me dit mon compagnon.

Ce qu’on appelle le café maure est comme le salon de réception des châtelains arabes ; une maison dans la maison, réservée aux hôtes de passage et où ces bons musulmans, si polis, si affables, trouvent moyen d’exercer leurs vertus hospitalières tout en gardant l’intimité familiale que commande la loi. Le café maure de l’aga Si-Sliman était ouvert et silencieux comme ses écuries. Les hautes murailles peintes à la chaux, les trophées d’armes, les plumes d’autruche, le large divan bas courant autour de la salle, tout cela ruisselait sous les paquets de pluie que la rafale chassait par la porte… Pourtant il y avait du monde dans le café. D’abord le cafetier, vieux Kabyle en guenilles, accroupi la tête entre ses genoux, près d’un brasero renversé. Puis le fils de l’aga, un bel enfant fiévreux et pâle, qui reposait sur le divan, roulé dans un burnous noir, avec deux grands lévriers à ses pieds.

Quand nous entrâmes, rien ne bougea ; tout au plus si un des lévriers remua la tête, et si l’enfant daigna tourner vers nous son bel œil noir, enfiévré et languissant.

« Et Si-Sliman ? » demanda l’interprète.