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Oh ! par les lourds soleils de juillet, les bonnes haltes que j’ai faites au bord de ce chemin de Bâle, couché de tout mon long dans l’herbe sèche des fossés, avec les perdrix qui s’appelaient d’un champ à l’autre et la grand-route qui faisait son train mélancolique au-dessus de nos têtes. C’était un juron de roulier, un grelot, un bruit d’essieu, le pic d’un casseur de pierres, le galop pressé d’un gendarme effarant un grand troupeau d’oies en marche, des colporteurs harassés sous leur balle, et le facteur en blouse bleue passementée de rouge quittant tout à coup le grand chemin pour s’enfiler dans une petite traverse bordée de haies sauvages, où l’on sentait un hameau, une ferme, une vie isolée tout au bout…

Et ces jolis imprévus du voyage à pied, les raccourcis qui allongent, les sentiers trompeurs que font les roues des charrettes, les piétinements des chevaux, et qui vous conduisent au beau milieu d’un champ, les portes sourdes qui ne veulent pas s’ouvrir, les auberges pleines, et l’averse, cette bonne averse des jours d’été, si vite évaporée dans l’air chaud, qui fait fumer les plaines, la laine des troupeaux et jusqu’à la houppelande du berger.

Je me souviens d’un orage terrible qui nous surprit ainsi à travers bois en descendant du Ballon d’Alsace. Quand nous quittâmes l’au-