Page:Daudet - Contes du lundi, Lemerre, 1880.djvu/163

Cette page a été validée par deux contributeurs.

enfin, entre deux canonnades, il se hasarda à mettre le pied dehors. La rue était déserte et comme agrandie. D’un côté, la barricade se dressait menaçante avec ses canons et son drapeau rouge ; à l’autre bout, deux petits chasseurs de Vincennes s’avançaient en rasant le mur, courbés, le fusil en avant : les troupes de Versailles venaient d’entrer dans Paris…

Le cœur de Chauvin bondit : « Vive la France ! » cria-t-il en s’élançant au-devant des soldats. Sa voix mourut dans une double fusillade. Par un sinistre malentendu, l’infortuné s’était trouvé pris entre ces deux haines qui le tuèrent en se visant. On le vit rouler au milieu de la chaussée dépavée, et il resta là, pendant deux jours, les bras étendus, la face inerte.

Ainsi mourut Chauvin, victime de nos guerres civiles. C’était le dernier Français.

Séparateur