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tâtons, dans le vent, dans la neige, nous vîmes déboucher d’un coin de rue une patrouille, précédée d’un falot.

« Halte-là ! Qui vive ?

— Mobiles de 48 », répondit une voix chevrotante.

C’étaient de tout petits bonshommes en manteaux courts, le képi sur l’oreille et l’allure jeunette. À deux pas, on les eût pris pour des enfants de troupe ; mais quand le sergent s’approcha pour se faire reconnaître, nos lanternes éclairèrent un petit vieux fané, ridé, des yeux clignotants, une barbiche blanche. L’enfant de troupe avait cent ans. Les autres n’étaient guère plus jeunes. Avec cela l’accent de Paris et un air casse-assiettes ! De vieux gamins.

Arrivés de la veille aux avant-postes, les malheureux mobiles s’étaient égarés en faisant leur première patrouille. On les remit bien vite sur leur chemin :

« Dépêchez-vous, camarades ; les Prussiens nous attaquent.

— Ah ! ah !… les Prussiens nous attaquent », disaient les pauvres vieux tout affolés, et, faisant demi-tour, ils se perdirent dans la nuit, avec leur falot qui dansait, secoué par la fusillade…

Je ne saurais vous dire l’impression fantast-