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À LA FOUILLEUSE


Le matin du 20 février.

Joli temps doux et voilé. Grandes terres de labour ondulant au loin comme la mer. Sur la gauche, les hautes collines sablonneuses qui servent de contrefort au mont Valérien. À droite, le moulin Gibet, petit moulin de pierre aux ailes fracassées, avec une batterie sur la plate-forme. Suivi pendant un quart d’heure la longue tranchée qui mène au moulin et sur laquelle flotte comme un petit brouillard de rivière. C’est la fumée des bivouacs. Les soldats accroupis font le café et soufflent le bois vert qui les aveugle et les fait tousser. D’un bout à l’autre de la tranchée court une longue toux creuse…

La Fouilleuse. Une ferme horizonnée de petits bois. Arrivé juste à temps pour voir nos dernières lignes battre en retraite. C’est le 3e mobile de Paris. Il défile, en bon ordre, au grand complet, commandant en tête. Après l’incompréhensible débandade à laquelle j’assiste depuis hier soir, cela me remonte un peu le cœur. Derrière eux, deux hommes à cheval passent près de moi, un général et son aide de