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mort, mais elle m’a paru joliment triste, ce soir-là, la retraite des Prussiens. De grands coups de trompette qui sonnaient trois par trois : Ta ! ta ! ta ! Une vraie musique de crapaud. Ce n’est pas sur cet air-là que nos lignards voudraient se coucher, eux…

« Pendant cinq minutes, j’entendis traîner des sabres, taper des portes ; puis des soldats entrèrent dans la cour, et ils se mirent à appeler :

« Hofmann ! Hofmann ! »

« Le pauvre Hofmann se tenait sous ses copeaux, bien tranquille… Mais c’est moi qui me faisais vieux !… À chaque instant je m’attendais à les voir entrer dans le sous-sol. J’avais ramassé le sabre du mort, et j’étais là, sans bouger, à me dire en moi-même : « Si tu en réchappes, mon petit père… tu devras un fameux cierge à saint Jean-Baptiste de Belleville !… »

« Tout de même, quand ils eurent assez appelé Hofmann, mes locataires se décidèrent à rentrer. J’entendis leurs grosses bottes dans l’escalier et, au bout d’un moment, toute la baraque ronflait comme une horloge de campagne. Je n’attendais que cela pour sortir.

« La berge était déserte, toutes les maisons éteintes. Bonne affaire. Je redescends vivement, je tire mon Hofmann de dessous l’établi, je le