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siennes, nos treillages. Heureusement que l’enfant marchait près de moi, et chaque fois que la main me démangeait trop, je me pensais en le regardant : « Chaud là, Bélisaire !… Prenons garde qu’il n’arrive pas malheur au moutard. » Rien que ça m’empêchait de faire des bêtises. Alors je compris pourquoi la mère avait voulu que je l’emmène avec moi.

« La baraque est au bout du pays, la dernière à main droite, sur le quai. Je la trouvai vidée du haut en bas, comme les autres. Plus un meuble, plus une vitre. Rien que quelques bottes de paille et le dernier pied du grand fauteuil qui grésillait dans la cheminée. Ça sentait le Prussien partout, mais on n’en voyait nulle part… Pourtant il me semblait que quelque chose remuait dans le sous-sol. J’avais là un petit établi où je m’amusais à faire des bricoles le dimanche. Je dis à l’enfant de m’attendre, et je descendis voir.

« Pas plus tôt la porte ouverte, voilà un grand cheulard de soldat à Guillaume qui se lève en grognant de dessus les copeaux et vient vers moi, les yeux hors de la tête, avec un tas de jurements que je ne comprends pas. Faut croire qu’il avait le réveil bien méchant, cet animal-là ; car, au premier mot que j’essayai de lui dire, il se mit à tirer son sabre…

« Pour le coup, mon sang ne fit qu’un tour.