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faire la route à pied, sans argent, par petites journées.

En cette occurrence, le chameau ne l’abandonna pas. Cet étrange animal s’était pris pour son maître d’une tendresse inexplicable, et, le voyant sortir d’Orléansville, se mit à marcher religieusement derrière lui, réglant son pas sur le sien et ne le quittant pas d’une semelle.

Au premier moment, Tartarin trouva cela touchant ; cette fidélité, ce dévouement à toute épreuve lui allaient au cœur, d’autant que la bête était commode et se nourrissait avec rien. Pourtant, au bout de quelques jours, le Tarasconnais s’ennuya d’avoir perpétuellement sur les talons ce compagnon mélancolique, qui lui rappelait toutes ses mésaventures ; puis, l’aigreur s’en mêlant, il lui en voulut de son air triste, de sa bosse, de son allure d’oie bridée. Pour tout dire, il