Page:Daudet - Au bord des terrasses, 1906.djvu/46

Cette page a été validée par deux contributeurs.
36
AU BORD DES TERRASSES


Sans chaise ni prie-Dieu les bras tendus et droits,
Vers son Sauveur qui l’aime à cause de sa peine,
Tour à tour enviant Marie ou Madeleine,
Elle fait sans fléchir son long chemin de croix,
Les genoux ramassés sous sa jupe de laine.

Mais que l’église est grande en ce pieux parcours,
Et que l’autel est loin pour sa brève prière !
Qui l’entendra, montant aux colonnes de pierre ?
Si Dieu ne la reçoit, d’où viendra le secours
À l’angoisse qui tient son âme tout entière ?

La haute nef a trop de cierges allumés,
L’orgue est comme un tonnerre ; et la Vierge Marie
Comme une reine a des colliers de pierrerie ;
Son bel enfant, un globe entre ses bras fermés,
N’est plus l’Enfant-Jésus que l’on aime et qu’on prie !

Elle revoit alors son modeste clocher :
Sur le seuil qui s’affaisse, une marche branlante.
Les fonts sont au revers de la porte battante.
Avec la corde, où le sonneur doit s’accrocher,
Pour les glas et les angélus à nuit tombante !