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AU BORD DES TERRASSES

S’étend comme un miroir pour le ciel transparent.
Ses îles en bouquets rompent son flot errant,
Nulle barque n’y passe, encor moins de fumée :
C’est la Loire inutile en ses bords enfermée.

Les prés sont moissonnés, mais la vigne rougit.
La route, devant nous, s’étend et s’élargit
Jusqu’à nous étourdir d’un vertige d’espace ;
Alors chaque détail nous charme et nous délasse.
La clôture où le temps, brisant les menus bois,
Laisse passer des fleurs, à la mode autrefois :
Vieux dahlias, phlox de neige et ces plantes grimpantes
Qui rampent en mettant des tiges sur les pentes.
Un volet détaché de quelque vieux manoir
S’ajuste à la chaumière, et l’on y peut revoir
Le dessin régulier datant de Louis Seize ;
Ici la tour résiste, et là-bas le toit pèse ;
Deux pavillons anciens, dans les lierres perdus.
Gardaient le parc absent et l’aire confondus,
Une vache pâture où le mur fait la brèche,
Plus loin un paysan, accoudé sur sa bêche,
Figure un frontispice aux rustiques travaux ;