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LES ROIS EN EXIL

Mais elle était bien trop bonne pour s’amuser longtemps d’un jeu cruel.

— Décidément, le roi nous oublie, dit-elle… Montez donc le prévenir, monsieur de Rosen.

Il fallut lui avouer la vérité, que le roi n’était pas à l’hôtel, qu’il avait passé la nuit dehors, et donner le renseignement de la valise. C’était la première fois que pareille chose arrivait, et l’on s’attendait bien à un éclat de cette nature ardente et fière, d’autant que la présence d’un étranger aggravait encore le délit. Non. Elle resta calme. À peine quelques mots à l’aide de camp pour s’informer de la dernière minute où il avait vu Christian.

Vers trois heures du matin… Sa Majesté descendait le boulevard à pied avec monseigneur le prince d’Axel.

— Ah ! oui, c’est vrai… j’oubliais… Ils avaient à causer ensemble.

Dans ces intonations tranquilles elle achevait de reprendre sa sérénité. Mais personne ne s’y trompa. Chacun connaissait le prince d’Axel, savait à quel genre de conversation prévue cette Altesse dégradée, ce sinistre viveur était bon.

— Allons, à table, dit Frédérique, ralliant d’un geste souverain tout son petit entourage au calme qu’elle s’efforçait de montrer.

Il lui fallait un bras pour passer dans la salle. Elle hésitait, le roi n’étant pas là. Et tout à