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un sourire de sa bien aimée Colette, dont la mauvaise humeur, loin d’être calmée par sa venue, alla bouder sur le divan, les jolies boucles en déroute, et la robe bleue froissée par les crispations d’une main d’enfant. Il s’était fait pourtant bel homme, le prince Herbert, depuis quelques mois. Sa femme avait exigé qu’en sa qualité d’aide de camp il laissât pousser ses moustaches, ce qui donnait une expression formidablement martiale à sa bonne face amaigrie et pâlie par les veilles, les fatigues de son service auprès du roi… En outre, il boitait encore un peu, marchait appuyé sur sa canne comme un véritable héros de ce siège de Raguse dont il venait d’écrire le mémorial, mémorial déjà fameux avant de paraître, et qui lu par l’auteur un soir chez la reine de Palerme, lui avait valu, avec une brillante ovation mondaine, la promesse formelle d’un prix à l’Académie. Pensez quelle situation, quelle autorité tout cela donnait au mari de Colette ! Mais il n’en gardait pas moins son air bon enfant, dadais, timide, surtout devant la princesse qui continuait à le traiter avec le plus gracieux mépris. Ce qui prouve bien qu’il n’est pas de grand homme pour sa femme.

— Eh bien ! qu’y a-t-il encore ? fit-elle d’un petit ton impertinent en le voyant reparaître, la figure stupéfaite et bouleversée.

— Le roi n’est pas rentré !