Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/86

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tesse, de manque d’argent, le ménage désuni, l’ambition tuée par la perte de l’unique enfant. Le roi, presque toujours absent, laissait sa femme à son foyer de veuvage et d’exil ; tandis que la reine de Galice, fastueuse, passionnée de plaisir, ne changeait rien à ses mœurs turbulentes de souveraine exotique, et que le duc de Palma décrochait de temps en temps son escopette pour essayer de franchir la frontière qui chaque fois et durement le rejetait à l’oisiveté misérable de sa vie. Au fond, contrebandier bien plus que prétendant, faisant la guerre pour avoir de l’argent et des filles, et donnant à sa pauvre duchesse toutes les émotions d’une malheureuse mariée à l’un de ces bandits des Pyrénées que l’on rapporte sur une civière s’ils s’attardent au petit jour. Tous ces dépossédés n’avaient qu’un mot aux lèvres, une devise remplaçant les sonores devises de leurs maisons royales : « Pourquoi faire ?… À quoi bon ? » Aux élans, aux ferveurs actives de Frédérique, les plus polis répondaient par un sourire, les femmes répliquaient théâtre, religion, galanterie ou modes ; et peu à peu ce tacite abaissement d’un principe, ce désagrègement de forces gagnait la fière Dalmate elle-même. Entre ce roi qui ne voulait plus l’être, le pauvre petit Zara si lent à grandir, tout la frappait de défaillance. Le vieux Rosen ne parlait guère, enfermé tout le jour dans son