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LES ROIS EN EXIL

tions de Frédérique étaient la lecture de sa bibliothèque de souveraine, composée de mémoires, de correspondances, de chroniques du temps passé ou de haute philosophie religieuse, puis les jeux de l’enfant dans le jardin et quelques promenades à cheval dans le bois de Vincennes, promenades rarement prolongées jusqu’à la lisière où venaient aboutir les derniers échos du bruit parisien, échouer les dernières misères du grand faubourg ; car Paris lui causait une antipathie, un effroi insurmontables. À peine, une fois par mois, la livrée en grande tenue, allait-elle faire sa tournée de visites chez les princes exilés. Partie sans plaisir, elle revenait découragée. Sous ces infortunes royales, décemment, noblement supportées, elle sentait l’abandon, le renoncement complet, l’exil accepté, pris en patience, en habitude, trompé par des manies, des enfantillages, ou même pis.

La plus digne, la plus fière de ces majestés tombées, le roi de Westphalie, pauvre vieil aveugle si touchant avec sa fille, sa blonde Antigone, gardait la pompe et les dehors de son rang, mais ne s’occupait plus que de collectionner des tabatières, d’établir des vitrines de curiosités dans ses salons, raillerie singulière à l’infirmité qui l’empêchait de jouir de ses trésors. Chez le roi de Palerme, même renoncement apathique, compliqué de deuils, de tris-