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ses espérances, et de loin acharnée à la lutte, envoyant lettre sur lettre aux amis de là-bas, protestant, conspirant, elle entretenait toutes les cours d’Europe de l’iniquité de leur infortune. Le conseiller Boscovich écrivait sous sa dictée ; et à midi, quand le roi descendait, elle présentait elle-même le courrier à la signature. Il signait, parbleu ! il signait tout ce qu’elle voulait, mais avec un frisson d’ironie au coin des lèvres. Le scepticisme de son milieu railleur et froid l’avait gagné ; aux illusions du début, par un revirement propre à ces natures extrêmes, avait succédé la conviction formelle que l’exil se prolongerait indéfiniment. Aussi quel air d’ennui, quelle fatigue il apportait dans ces conversations où Frédérique essayait de le monter jusqu’à sa fièvre, cherchait au fond de ses yeux cette attention qu’elle ne pouvait y fixer ! Distrait, poursuivi de quelque refrain bête, il avait toujours dans la tête sa vision de la dernière nuit, le tournoiement ivre et langoureux du plaisir. Et quel « ouf ! » de soulagement quand il était enfin dehors, quelle reprise de jeunesse et de vie qui, chaque fois, laissait la reine plus triste et plus seule !

Après ce travail d’écritures dans la matinée, l’envoi de quelques-uns de ces billets éloquents et courts où elle ravivait les courages, les dévouements près de faiblir, les seules distrac-