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quois et fin entrevu dans la confusion animée des premières loges ou l’élan tumultueux d’un retour de courses, avait pris place désormais dans les médaillons connus du « tout Paris », entre la chevelure hardie d’une actrice en vogue et la figure décomposée de ce prince royal en disgrâce qui roule les cafés du boulevard en attendant que sonne pour lui l’heure du règne. Christian menait la vie oisive et si remplie de la jeune Gomme. L’après-midi au jeu de paume ou au skating, puis le Bois, une visite au jour tombant dans certain boudoir chic dont il aimait la tenue luxueuse et l’excessive liberté de paroles ; le soir, les petits théâtres, le foyer de la danse, le cercle et surtout le jeu, un maniement de cartes où l’on eût retrouvé son origine bohême, la passion du hasard et de tous ses pressentiments. Il ne sortait presque jamais avec la reine, excepté le dimanche pour la mener à l’église de Saint-Mandé, et ne la voyait guère qu’aux repas. Il craignait cette nature raisonnable et droite, toujours préoccupée de devoir, et dont la méprisante froideur le gênait comme une conscience visible. C’était le rappel à ses charges de roi, aux ambitions qu’il voulait oublier ; et trop faible pour se révolter en face contre cette domination muette, il aimait mieux fuir, mentir, se dérober. De son côté, Frédérique connaissait si bien ce tempérament de Slave ardent et mou, vibrant