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récrié sur le lointain de l’habitation, mais il devait y trouver bientôt un prétexte aux longues absences et aux rentrées tardives. Enfin, ce qui primait tout, la vie était moins chère là que partout ailleurs, et l’on y pouvait soutenir son luxe à peu de frais.

L’installation fut confortable. La maison blanche, haute de trois étages, flanquée de deux tourelles, regardait le bois à travers les arbres de son petit parc, tandis que sur la rue Herbillon, entre les communs et les serres se faisant face, s’arrondissait une grande cour sablée jusqu’au perron que surmontait une marquise supportée en forme de tente par deux longues lances inclinées. Dix chevaux à l’écurie : chevaux de trait, chevaux de selle — la reine montait tous les jours, — la livrée aux couleurs d’Illyrie, coiffée en marteaux et poudrée, avec un suisse dont la hallebarde et le baudrier d’or vert étaient aussi légendaires à Saint-Mandé et à Vincennes que la jambe de bois du vieux Daumesnil, tout cela constituait un luxe convenable et presque neuf. Il n’y avait guère en effet plus d’un an que Tom Lévis avait improvisé, avec tous ses décors et accessoires, la scène princière où va se jouer le drame historique que nous racontons.

Eh ! mon Dieu, oui, Tom Lévis… En dépit des méfiances, des répugnances, il avait fallu recourir à lui. Ce tout petit gros homme était