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LES ROIS EN EXIL

roi de Palerme. Des deux femmes on ne voyait que des cheveux noirs, des cheveux fauves, et cette attitude de mère passionnée. Ah ! qu’il connaissait bien Méraut, le rusé prêtre qui avait pour ainsi dire mis en scène l’entrevue du jeune prince et de son futur gouverneur. Ces rois dépossédés venant rendre leur hommage au Dieu qui pour le recevoir semblait se cacher, lui aussi, dans cette crypte, cet assemblage de la royauté tombée et d’un culte en détresse, la triste étoile de l’exil guidant vers un Bethléem de faubourg ces pauvres mages déchus, sans cortège et les mains vides, tout cela lui gonflait le cœur. L’enfant, l’enfant surtout, si attendrissant avec sa petite tête penchée vers les animaux de la crèche, la curiosité de son âge tempérée d’une réserve souffrante… Et devant ce front de six ans où l’avenir tenait déjà comme le papillon dans sa coque blonde, Élisée songeait combien de science, de soins tendres, il faudrait pour le faire éclore splendidement.