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clignotant — au fond de leurs alvéoles de pierre — sur un Christ en cire teintée, de grandeur naturelle, ses plaies saignant d’un rose vif dans l’écartement du linceul. À l’autre bout du caveau, comme une singulière antithèse résumant toute l’épopée chrétienne, s’étalait une de ces reproductions enfantines de la Nativité dont la crèche, les animaux, le bambin, enguirlandés de couleurs tendres, de verdures en papier frisé, sont tirés tous les ans de la boîte aux légendes, tels qu’ils sortirent jadis — plus mal taillés, sans doute, mais bien plus grands — du cerveau d’un illuminé. Comme alors, un troupeau d’enfants et de vieilles femmes avides de tendresse et de merveilleux, de ces pauvres qu’aimait Jésus, se serraient autour de la crèche, et parmi eux, ce qui surprit Élisée, au premier rang de ces humbles fidèles, deux hommes de tenue mondaine, deux femmes élégantes en toilette sombre agenouillées profondément sur les dalles, l’une d’elles tenant un petit garçon qu’elle enveloppait de ses deux bras croisés dans un geste de protection et de prière.

— C’est des reines ! lui dit tout bas une vieille, haletante d’admiration.

Élisée tressaillit, puis, s’étant rapproché, reconnut le profil fin, l’allure aristocratique de Christian d’Illyrie, et près de lui, la tête brune, osseuse, le front encore jeune et dépouillé du