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LES ROIS EN EXIL

ou trois équipages dont les somptueux harnais étonnèrent Méraut. L’office était commencé ; des bouffées d’orgues, des chants sortaient de l’église, déserte pourtant et tout éteinte, avec la seule lueur des petites lampes d’autel et les pâles reflets d’une nuit de neige sur la fantasmagorie des vitraux. C’était une nef presque ronde, parée des grands étendards de Jérusalem à croix rouge qui pendaient le long des murailles, de statues coloriées un peu barbares, au milieu desquelles la Marguerite d’Ossuna en marbre pur flagellait sans pitié ses épaules blanches, car — ainsi que vous le disaient les moines avec une certaine coquetterie : « Marguerite fut une grande pécheresse de notre ordre ». Le plafond de bois peint, croisillé de petites poutres, le maître-autel sous une sorte de dais soutenu par des colonnes, le chœur en rotonde boisé de stalles vides avec un rayon de lune sur la page ouverte du plain-chant, tout se devinait, rien n’était distinct ; mais par un large escalier caché sous le chœur, on descendait à l’église souterraine, où — peut-être en souvenir des catacombes — l’office religieux se célébrait.

Tout au bout du caveau, dans la maçonnerie blanche soutenue d’énormes piliers romans, était reproduit le tombeau du Christ à Jérusalem, sa porte basse, sa cryte étroite éclairée d’une quantité de petites lampes sépulcrales