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proche, il écrivit au père Melchior pour le prévenir de sa décision. Le moine ne protesta pas. Il se contenta de répondre :

« Ce soir, rue des Fourneaux, à l’office de nuit… J’espère encore vous convaincre ».

Le couvent des franciscains de la rue des Fourneaux, où le père Melchior avait les fonctions d’économe, est un des coins les plus curieux, les plus inconnus du Paris catholique. Cette maison mère d’un ordre célèbre, cachée mystérieusement dans le faubourg sordide qui grouille derrière la gare Montparnasse, s’intitule aussi : « Commissariat du Saint-Sépulcre. » C’est là que des moines à tournure exotique, mêlant leur bure voyageuse aux noires misères du quartier, apportent — pour le commerce des reliques — les morceaux de la vraie croix, les chapelets en noyaux d’olives du jardin des Oliviers, les roses de Jéricho, arides et ligneuses, attendant une goutte d’eau bénite, toute une pacotille miraculeuse changée dans les larges poches invisibles des cagoules en bel argent muet et lourd qu’on dirige ensuite sur Jérusalem pour l’entretien du tombeau sacré. Élisée avait été conduit rue des Fourneaux par un sculpteur de ses amis, un pauvre artiste en chambre nommé Dreux, qui venait de faire pour le couvent une sainte Marguerite d’Ossuna et amenait le plus de monde possible devant sa statue. L’endroit était si curieux, si