Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/67

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
62
LES ROIS EN EXIL

navire où ne soufflera plus le vent ; puis le portrait du roi et le cachet rouge qui avaient présidé à cette vie de travail et de fidélité, et là-haut, tout en haut de l’enclos de Rey, étagés et bourdonnant sur la côte, les vieux moulins toujours debout, levant leurs bras, au clair du ciel, en des signaux désespérés. Jamais Élisée n’oublia le spectacle de cette mort sereine prenant le travailleur au gîte et lui fermant le regard sur l’horizon accoutumé. Il en demeura frappé d’envie, lui qui se sentait saisi par le rêve et l’aventure, et qui incarnait toutes les illusions , chimériques du beau vieillard endormi là.

C’est au retour de ce triste voyage qu’on lui proposa la place de précepteur à la cour de X… Sa déconvenue fut si vive, les petitesses, les compétitions, les calomnies envieuses auxquelles il s’était trouvé mêlé, le grand décor de la monarchie regardé de trop près, du côté des coulisses, l’avaient si fort attristé, que, malgré son admiration pour le roi d’Illyrie, une fois les moines partis, la première fièvre d’entraînement tombée, il regretta de s’être décidé aussi vite. Toutes ses tracasseries de là-bas lui revenaient, le sacrifice à faire de sa liberté, de ses habitudes ; puis son livre, ce fameux livre toujours en rumeur dans sa tête… Bref, après de longs débats avec lui-même, il se résolut à dire non, et la veille de Noël, l’entrevue toute