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s’encourageant à l’imiter. Tout bas, chut ! on se répétait le dernier calembour de M. de Barentin sur l’impératrice, on fredonnait une chansonnette sous le manteau : « Quand Napoléon, — vous donnant les étrivières, — aura tout de bon — endommagé vos derrières… » Puis, effarés de leur audace, les conspirateurs se défilaient un par un, rasant les murs de la rue de Varenne, large et déserte, qui leur renvoyait le bruit inquiétant de leurs pas.

Élisée vit bien qu’il était trop jeune, trop actif, pour ces revenants de l’ancienne France. D’ailleurs on nageait alors en pleine épopée impériale, le retour des guerres d’Italie promenait par les boulevards des volées d’aigles victorieuses sous les fenêtres pavoisées. Le fils du bourgadier ne fut pas long à comprendre que l’opinion de l’enclos de Rey n’était pas universellement partagée et que le retour du roi légitime serait plus tardif qu’on ne le supposait là-bas. Son royalisme n’en fut pas entamé, mais il s’éleva, s’élargit dans l’idée, puisque l’action n’était plus possible. Il rêva d’en écrire un livre, de jeter ses convictions, ses croyances, ce qu’il avait besoin de dire et de répandre, au grand Paris qu’il eût voulu convaincre. Son plan fut tout de suite fait : gagner la vie de tous les jours en donnant des leçons, et celles-ci furent vite trouvées ; écrire son livre dans les intervalles, ce qui demanda beaucoup plus de temps.