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LES ROIS EN EXIL

Le bruit courait dans la ville que ce nom de Papel en cachait un autre plus fameux, celui d’un cabecilla de don Carlos, célèbre par sa féroce façon de faire la guerre et de varier la mort. Si près de la frontière espagnole, sa honteuse gloire le gênait et le forçait à vivre anonyme. Qu’y avait-il de vrai dans cette histoire ? Pendant les nombreuses années qu’il passa près de son maître, Élisée, bien qu’il fût l’élève favori de M. Papel, n’entendit jamais le terrible nain prononcer une parole, ne le vit jamais recevoir une visite ou une lettre qui pût confirmer ses soupçons. Seulement, lorsque l’enfant devint homme et que, ses études finies, l’enclos de Rey se trouvant trop étroit pour ses lauriers, ses diplômes et les ambitions paternelles, il fut question de l’envoyer à Paris, M. Papel lui donna plusieurs lettres d’introduction pour les chefs du parti légitimiste, lourdes lettres scellées d’armoiries mystérieuses qui semblaient donner raison à la légende du cabecilla masqué.

Maître Méraut avait exigé ce voyage, car il commençait à trouver que le retour de son roi tardait trop. Il se saigna aux quatre veines, vendit avec sa montre d’or et le clavier d’argent de la mère, la vigne que possède tout bourgadier, et cela simplement, héroïquement, pour le parti.

— Va-t-en voir un peu ce qu’ils font, dit-il