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Plus tard, après son voyage, à Frohsdorf, la formule fut changée :

— Quand j’ai eu l’honneur de voir le roi… disait-il à tout propos.

Le bonhomme avait en effet accompli son pèlerinage, vrai sacrifice de temps et d’argent pour ces ouvriers de la bourgade, et jamais Hadji revenant de la Mecque n’en rapporta un pareil éblouissement. L’entrevue avait été pourtant bien courte. Aux fidèles introduits en sa présence, le prétendant avait dit : « Ah ! vous voilà… », sans que personne pût trouver rien à répondre à cet accueil affable, Méraut encore moins que les autres, suffoqué par l’émotion et les yeux tellement brouillés de larmes qu’il ne put pas même voir les traits de l’idole. Seulement, au départ, le duc d’Athis, secrétaire des commandements, l’avait longuement interrogé sur l’état des esprits en France ; et l’on se figure ce que dut répondre l’exalté tisserand qui n était jamais sorti de l’enclos de Rey :

— Mais qu’il vienne, coquin de bon sort ! qu’il vienne vite, notre Henri… on se languit tant de le voir…

Là-dessus, le duc d’Athis, enchanté du renseignement, le remerciait beaucoup et brusquement lui demandait :

— Avez-vous des enfants, maître Méraut ?

— J’en ai trois, monsieur le duc.