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Pendant qu’il lisait son factum royaliste, s’animant, s’émouvant jusqu’aux larmes, le réveil de l’hôtel garni mettait, tout autour, des rires de jeunesse, des gaietés de partie fine mêlées au choc des assiettes et des verres, aux notes cassées, sonnant le bois, d’un vieux piano qui jouait un air de bastringue. Contraste étonnant que les franciscains saisissaient à peine, tout à la joie d’entendre cette puissante et brutale apologie de royauté ; le grand, surtout, frémissant, piétinant, retenant des exclamations d’enthousiasme, avec un geste d’énergie qui lui serrait les bras sur la poitrine à la fracasser. La lecture finie, il se dressait, marchait à grands pas, débordant de gestes, de paroles :

— Oui ! c’est bien cela… voilà le vrai… le droit divin, légitime, absolu… (il disait lézitime et assolu). Plus de Parlements… plus d’avocats !… Au feu toute la séquelle !

Et son regard pétillait et flambait comme un fagot de la Sainte- Hermandad. Plus calme, le Père Melchior félicitait Méraut sur son livre.

— J’espère que vous le signerez, celui-là.

— Pas plus que les autres… Vous savez bien, Père Melchior, que je n’ai d’ambition que pour mes idées… Le livre me sera payé, — c’est l’oncle Sauvadon qui m’a procuré cette aubaine ; — mais je l’aurais écrit pour rien, d’aussi grand goût. C’est si beau de noter les annales de cette royauté à l’agonie, d’écouter