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LES ROIS EN EXIL

de chiffons, alcoolisé, mal nourri… Ici le cas n’est pas le même… Votre fils n’a pas l’air fort, mais il vient d’une belle et solide maman qui lui a mis dans les veines… Nous allons voir ça, du reste…

Il appelle l’enfant, le prend entre ses jambes, et pour le distraire, l’occuper pendant son examen, lui demande avec un bon sourire :

— Comment t’appelles-tu ?

— Léopold, monsieur.

— Léopold qui ?

Le petit regarde sa mère sans répondre.

— Eh bien, Léopold, il faut quitter ta veste, ton gilet… Que j’inspecte, que j’écoute partout.

L’enfant se défait longuement, maladroitement, aidé de sa mère dont les mains tremblent, et du bon père Bouchereau plus habile qu’eux deux. Oh ! le pauvre petit corps grêle, rachitique, aux épaules rentrées vers l’étroite poitrine comme des ailes d’oiseau repliées avant le vol, — et d’une chair si blême que le scapulaire, les médailles s’y détachent, dans le jour triste, ainsi que sur le plâtre d’un ex-voto. La mère baisse la tête, presque honteuse de son œuvre, tandis que le médecin ausculte, percute, s’interrompant pour faire quelques questions.

— Le père est âgé, n’est-ce pas ?

— Mais non, monsieur… Trente-cinq ans à peine.

— Souvent malade ?