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déchirement d’un voile, le rideau noir d’un foyer, qu’on relève sur la flambée joyeuse et réchauffante, le déploiement d’une éloquence attachée aux angles des yeux, du nez, et des lèvres, répandue avec le sang monté du cœur sur cette face ternie par tous les excès et les veilles. Les paysages du Languedoc, du pays natal de Méraut, pelés, stériles, d’un gris d’oliviers poussiéreux, ont, sous les couchers irisés de leur soleil implacable, de ces splendides flamboiements traversés d’ombres féeriques qui semblent la décomposition d’un rayon, la mort lente et graduée d’un arc-en-ciel.

— Alors, vous voilà dégoûté des grandeurs ? reprit le vieux moine, dont la voix insinueuse, sans résonance, formait un si grand contraste avec cette explosion d’éloquence.

— Certes !… répondit l’autre énergiquement.

— Pourtant, tous les rois ne se ressemblent pas… J’en connais à qui vos idées…

— Non, non, Père Melchior… C’est fini. Je ne voudrais pas tenter l’épreuve une seconde fois… À voir les souverains de près, j’aurais trop peur de perdre mon loyalisme.

Après un silence, le malin prêtre fit un détour et ramena sa pensée par une autre porte :

— Cet éloignement de six mois a dû vous faire du tort, Méraut ?

— Mais non, pas trop… D’abord, l’oncle